J’ai souhaité offrir une vue d’ensemble de mon travail d’écriture sur une trentaine d’années.

Si je devais choisir un mot pour rendre compte de ma démarche, je prendrais celui de perplexité. Le péremptoire, l’affirmatif n’est pas mon terrain. Certes, l’écriture me permet d’approcher un réel qui me surprend et m’attire. Mais pas de le rejoindre entièrement, pas de fusionner avec lui. Ce hiatus entre ce qu’on voudrait saisir et ce qu’on parvient à exprimer, mais aussi la diversité du réel et des comportements humains, occasionnent un étonnement permanent qui est mon moteur d’écriture. 

Le dialogue en est un autre: avec d’autres textes, d’autres auteurs, des artistes, mes éditeurs,  toutes sortes de gens, proches ou moins proches. Ce site veut également  témoigner de l’importance de ce tissu de relations. C’est pourquoi je renvoie systématiquement aux sites d’éditeurs, de revues, etc, n’hébergeant sur ce site que des textes qu’on ne peut trouver ailleurs. A cet égard, au fil des pages, le lecteur trouvera quelques pépites.

Ma propre écriture comporte plusieurs facettes, que ce site permet d’exposer :

des manières d’épopées du quotidien, comme Œil ventriloque, ou Tous les râteliers, tous deux sur la relation entre parole et nourriture, ou Par où Or ne ment, premier volume de poésie de l’économie que je voudrais faire suivre par au moins deux autres. Celui-ci porte sur la Monnaie, comme bien commun, sous les figures de l’Or et de la Dette.

mais aussi des rebonds, sur des propositions d’artistes plasticiens ou de textes littéraires, c’est le cas de Mort sous-marinière, sur The ship of death de DH Lawrence, de trois séries de livres d’artistes, et enfin, d’un projet en cours sur Verlaine et la musique, sous le nom de Grotte Verlaine. Rebonds aussi sur des citations que j’entremêle à mes textes.

Le jeu de mots aussi, est constitutif  de mon travail. Il permet d’interroger le sens en le faisant bouger. On le trouve notamment bien représenté dans une série de poèmes de nouvel an, ininterrompue depuis 2009. Mais ceux qui y sont sensibles le rencontreront un peu partout.

J’écris aussi dans le registre politique ou éthique, en utilisant ou non les moyens de la littérature, la plupart du temps dans un cadre collectif.

Enfin, le souci de transmission d’une histoire familiale complexe, chahutée par les guerres, a joué un rôle important dans mon retour à l’écriture à la fin des années ‘90, et mon premier livre Communauté des parlants en est un des effets de bord.

Ces textes appartenant à des registres très divers connaissent un autre type de dispersion, dû aux délais d’écriture et de parution.

Assumant tardivement l’appel à écrire, j’étais déjà largement engagé dans une vie professionnelle et familiale qui me laissaient peu de temps libre. Pour aggraver mon cas, je me suis assez vite orienté vers des textes longs, écrits dans la durée. Je dépendais de la possibilité de disposer, de temps à autre, de périodes suffisamment longues pour retrouver le fil de ce que je souhaitais dire. Par exemple, sans un repos forcé de trois semaine en 2010, il est probable que je n’aurais jamais écrit Par où Or (ne) ment .

Ces textes longs, parfois éloignés des thèmes attendus, sinon admis, « trop originaux », m’a-t-on même dit, ont été difficiles à publier en volume, ils n’étaient par ailleurs guère compatibles avec l’édition fragmentaire en revue.

Les difficultés du secteur de l’édition poétique, fait de petits éditeurs donnant beaucoup d’eux-mêmes, auxquels je tiens par ailleurs à rendre hommage, ne facilitent pas les choses, imposant de longues recherches et des délais également longs avant publication, de longs intervalles entre deux parutions. Certains livres sont déjà épuisés alors que d’autres paraissent. D’où mon souhait de rassembler une partie de ces éléments épars.

Chaque fois que je me dis ou me laisse dire poète, je ressens un malaise.

On n’est pas poète par essence. Dans ce qu’on écrit, on reconnait parfois la poésie.

Mais sans jamais la certitude de parvenir, le lendemain,à écri re quoi que ce soit qui (me) paraitra sonner juste.