Ces choses là, il nous faut en parler
Avec précision, dérision, cruauté
L’éblouissement devant l’or et les froids calculs de la dette. La passion et les faux semblants des discours sur la dette, le signe abstrait, arbitraire qu’est l’or… La dette, comme lien entre les hommes, l’or que l’on extrait de leur sueur ou de leur cerveau, que l’on isole et cristallise pour mieux se l’approprier… Voici quelques unes des oppositions que Par où Or (ne) ment! fait jouer entre ces deux formes de la Monnaie afin de faire ressortir la complexité des récits qui la concernent.
Par où Or (ne) ment est un poème épique, né de la crise de 2007, dite des subprimes , et des années qui ont suivi: celles de la crise de la dette souveraine avec son cortège de destructions des services publics, de la cohésion sociale, au Portugal, en Espagne, en Grèce bien sûr, mais aussi chez nous. Tous ces éléments ont manifesté à quel point ce « commun » qu’est la monnaie fut alors accaparé, séquestré… et combien cette privatisation à l’extrême est lourde de conséquences. Les discours sur la Dette entendus ces années là, mais toujours d’actualité, poussaient à prendre sa défense, malgré l’ambiguïté de ses manifestations. A la suite, notamment, du regretté David Graeber, il fallait en illustrer l’ancienneté et la permanence, comme forme principale de la Monnaie.
Ce livre prend aussi le contre-pied du moralisme ambiant et des analogies faciles entre l’économie des ménages ou celles des États. Le faire en poésie ? Peut-être parce que l’Économie, comme l’avait, déjà, compris Mallarmé, est une réalité de langage, de représentations partagées, de consentement, bien loin des « lois naturelles »..Le livre se situe cependant moins dans la ligne imprécatrice choisie en général par les poètes de l’Économie, à la suite d’Ezra Pound, que dans celle du Michel Butor de l’Utilité poétique – La Poésie n’est pas là pour la propagande, mais peut nous aider à savoir ce que nous voulons vraiment.
S’appuyant sur de nombreuses références économiques, scientifiques, littéraires, Par où Or (ne) ment! propose des pistes pour comprendre, établir des liaisons, se remémorer. Une bibliographie complète accompagne le texte et permet toutes sortes d’approfondissement.
Certains des ouvrages utilisés, très denses, ont dû être digérés avant de trouver leur place dans le poème. C’est le cas de L’ordre de la dette, de Benjamin Lemoine (éditions La Découverte): avant d’inspirer quelques pages de Par où Or ne ment!, j’en ai établi deux résumés, le deuxième est déjà un poème: Un crime parfait, que l’on peut trouver ici.
Par où Or (ne) ment! est salué par Alain Damasio, dans la préface qu’il a bien voulu donner de ce livre dont il a suivi l’élaboration depuis ses débuts : « Enfin une arme pour (…) découper cette viande d’évidence qui s’avançait fauve et qui n’est qu’un monstre de papier, de fictions et de croyances : l’économie néolibérale, toute rugissante de sa dette. »
L’un des poèmes de l’ouvrage a été repris dans À bâtons rompus sur Radio Grand Ciel, une émission d’Eric Godichaud (printemps 2021) qui portait sur l’or en littérature.