Denise Wahl, née Brua, ma mère (Strasbourg, 17 juin 1933 – Olivet, 7 septembre 2021), est la fille cadette de Gustave Brua, né à Fénétrange (57), élevé à Wissembourg (67), et de Marie-Louise Naucelle, née à Nérac (47) élevée à Bagnac sur Celé (46). Tous deux se sont rencontrés en Alsace, ont vécu à Strasbourg. Comme une partie des Strasbourgeois, repliés à Périgueux en 1940, où ils sont restés toute la guerre, participant à la Résistance.
La poésie de Denise Wahl a été longtemps un secret bien gardé. Mon père, Philippe Wahl, pourtant le dédicataire de la plupart de ses poèmes, m’a dit n’en avoir eu qu’une conscience imprécise, du moins jusqu’à ce que dans les dernières années de sa vie, elle commence à en parler à ses proches. Plusieurs de ses poèmes ont ainsi été typographiés par mon frère Jean-Pierre, à partir de 2010, en vue d’en présenter une sélection à un concours de poésie, ce qui n’a pas eu alors de suite.
Ma mère m’a montré un ou deux de ses poèmes très tardivement, mais je n’aurais pas imaginé ce que mon père et mon frère m’ont fait découvrir après son décès : une production abondante et régulière, sur une cinquantaine d’années. Une production diverse, inspirée par une vive sensibilité, évoquant la contemplation de la nature, des souvenirs d’enfance, l’empathie avec les affamés, ses parents trop tôt disparus mais vivants dans son cœur, des amies d’enfance ou la figure, jugée hostile, de sa belle-mère. La foi religieuse affleure souvent. C’est une poésie du courage d’être et de l’émerveillement, avec parfois une véritable recherche formelle. Un premier recueil, contenant une cinquantaine de ses poèmes vient d’être édité.
Pour vous le procurer, au prix de 12 €, plus le port, il vous suffit de m’écrire
Ci-dessous, pour faire connaissance avec la poésie de Denise Wahl, quatre de ses poèmes sont reproduits.
En guise d'exergue ...
Un extrait du troubadour Jaufré Rudel a été retrouvé en plusieurs exemplaires au milieu des manuscrits de Denise Wahl. On peut imaginer qu’elle aurait souhaité le placer en exergue de ses poèmes. Le voici :
Il ne sait chanter, celui qui n’émet pas de son, ni vers trouver, celui qui ne dit mot, ni ne connait comment faire de rime, celui qui ne tente de versifier.
Mais mon chant résonne ainsi, que plus l’entendrez, plus il vaudra.
Une citation de Jean Cocteau l’accompagne plusieurs fois sur le même feuillet :
L’art existe dès l’instant où l’artiste s’écarte de la nature.
Quatre poèmes de Denise Wahl
Pour Philippe
La ville énorme
Roule la ville énorme
Roule à l’heure assoiffée de midi…
Ombres d’ombres sous le soleil intense
Foule d’êtres égarés
Peuple aux regards angoissés…
La ville énorme bâtit
Le colossal monument
De son brouhaha,
Comme toi, Cathédrale,
Dont la flèche vertigineuse
S’étire vers le ciel brûlant de midi…
Toi qui fait la grandeur le courage et la foi
De ceux qui s’attardent à te contempler.
Roule la ville énorme
Roule et bruit l’effrayante rumeur
La symphonie jamais achevée
Du grand orchestre tonitruant
Des fols instruments de vitesse
La ville énorme construit la Peur
Dans le cœur de la foule angoissée
Étourdie, enivrée de fracas…
Foule fiévreuse
Où j’ai découpé
La clarté confiante de tes yeux.
Denise Wahl – Strasbourg 1958
Automne
Le vent sans pitié efface
Les tableaux de Maître Saison.
Où donc va le temps qui passe ?
Et moi, je m’enfuie, Dieu fasse
Que j’achève la préface,
Au moins, de mon humble oraison.
Le vent sans pitié efface
Les tableaux de Maître Saison.
Denise Wahl – Strasbourg 1960
Ironie
Tu dis que mes larmes dorées
Ne creusent pas assez mes joues.
Il faut la misère abhorrée
Pour sanctionner la douleur vraie.
Seuls présent les pleurs ignorés…
Il faut des ans porter le joug…
Tu dis que mes larmes dorées
Ne creusent pas assez mes joues.
Denise Wahl – 1967
Pour Yvonne,
Souvenirs
Rêver encore…
Où mon enfance hâtive a par bonheur passé.
Quêter encore la Paix,
Sur les plateaux arides du Lot caillouteux
Où luit toujours le souvenir provocant
Du houx sombre aux graines écarlates,
Brodé de blanches dentelures de givre
Dans l’air sec d’un matin gelé…
Goûter encore l’envie de vivre
Sur les sentiers pierreux où pèse
Le flamboyant soleil du Midi,
Où flâne, dans l’épaisse chaleur
Des prairies blondes et sèches,
L’âcre relent de l’ortie velue,
Le long des murets rampants.
Revoir encore le Lot,
Viril et gai, violent et sage,
Paisible et rebelle…
Mon héritage maternel…
Où passe la Paix odorante
Sur le Causse aride et sauvage
Qui sent bon la genièvre et le chèvrefeuille.
Cuisantes réminiscences,
Qui brûlez mon œil de larmes douloureuses.
Ô, mes chers Pays perdus,
égarés sur les flots dévorants du Passé,
Mon Lot aimé où parfois s’aventurent mes songes
Irai-je un jour te retrouver ?
Denise Wahl – 1996