Depuis quelques jours, mon rituel poème de nouvel an m’échappe....
… il risque d’être trop noir pour le genre, sentencieux… Changer complètement d’orientation ? Difficile. C’est qu’avant de trouver un angle optimiste voir joyeux pour mes vœux, j’ai besoin d’affronter mon état d’esprit morose, à l’image de ce que fut 2024. Alors, ces intuitions qui ne font pas un poème, essayons d’en faire une chronique à offrir à mon blog pour l’année 2024. Lourd et gris millésime, 2024, chacun le sait. Les Jeux Olympiques ont sans doute offert à certains un répit et une occasion d’optimisme, mais je ne soupçonnerai pas ceux qui auront le mieux bénéficié de ce choc vitaminé d’être moins lucides sur le reste. Pour tous ceux qui, comme moi, croyaient à une certaine pédagogie des difficultés, sinon des catastrophes, l’approfondissement des régressions, écologique, sociale, politique, tandis que s’aggravait la catastrophe écologique et sociale a produit un atterrissage brutal, une opaque stupéfaction. J’ai tenté de les analyser dans un article du mois de septembre sur la confusion éthique. Et hier encore, deux journalistes du Monde, Audrey Garric et Stéphane Foucart, actaient le passage à vide de la transition écologique française, l’urgence de ces questions ayant disparu du discours politique, même au rang de politesses de langage sans conséquence, et le climatoscepticisme étant en hausse dans l’opinion. Stéphane Foucart fait d’ailleurs partie de ceux qui observent le phénomène d’écolobashing en hausse, comme dans une chronique, parue dans Le Monde des 23-24 juin 2024, intitulée « voter contre soi-même ». Il y analyse le déni des victimes des inondations de l’hiver 23-24 dans le Pas de Calais, le refus d’admettre que ce sont les atteintes à l’environnement, ou l’inadaptation des aménagements aux changement climatique, qui les ont frappé, et leur colère curieusement retournée contre les écologistes. Désespérant mécanisme de recours à un bouc émissaire pour ne pas regarder les problèmes en face.
C’est dans ce contexte, que le président Nanon, en décembre 2024, invoque un « choc d’espérance ». C’est, un peu avant la réouverture de la cathédrale Notre Dame, en visitant ce chantier hors-norme, et pour se réjouir avec les acteurs de ce projet un peu fou de restauration, mené à bien en un temps record. Un succès rebâtisseur incontestable. Il est justifié de les féliciter, tous ces compagnons, et même de se féliciter soi-même. D’extrapoler, comme on l’a fait depuis à tous sujets réclamant un tantinet de volontarisme ? Disons que c’est de bonne guerre. Mais enfin, un choc, l’espérance ? Une fois encore, on se réveille groggy : Nanon a fait son exhibi…
Choc d’offre, de compétivité, d’innovation, des savoirs… de la part de ceux qui voudraient nous gouverner, du moins à la mode actuelle, serions-nous les objets, les prétextes, d’une intention, voire d’une esthétique du choc ? C’est peut-être qu’après avoir professé que « there is no such thing as a society » (Thatcher) ou qu’il n’existait pas de bien collectif, seulement une addition d’intérêts particuliers (Balladur, Sarkozy), il faudrait trouver une manière d’animer, de faire marcher droit, ce corps social cousu de morceaux de viande disparate. D’où le choc électrique qui nous mettra littéralement au pas, nous le peuple impénitent, monstre composite de la start-up Frankenstein inc. Le président Nanon nous verra t’il un jour autrement qu’en boules de billard ? Et non plus le monde, seulement, en Large Hadron Collider (nonobstant le chant du boson) ?. Mais peut-être accoler choc et espérance révèle t-il une nostalgie ou un désir secrets, ceux de pouvoir appliquer enfin cette bonne vieille stratégie du choc à fin de remise à l’équerre capitaliste, cette stratégie que Naomi Klein a dévoilée, celle qui permet, après une catastrophe, de revenir sur les structures sociales, politiques, culturelles, que l’on croyait les mieux acquises, comme Thatcher profitant de la guerre des Malouines pour imposer sa politique de destruction sociale, ou les vautours de la Nouvelle Orléans après Kathrina, les capitalistes du désastre à Porto Rico après l’ouragan Maria, Millei après hyperinflation en Argentine? Pour le duo Trump/Musk , on commence à peine à voir. On n’a sans doute pas fini.
On me dira que s’agissant de la France je vais peut-être un peu loin. Restons donc tout près du sens des mots. Celui d’Espérance, le laisserons nous occuper, quadriller, par une foi d’animal, intérêt et capital ?
Qu’en savons-nous de l’espérance ? Parlons déjà d’espoir, dont notre langue (chance ?) le distingue, depuis peu, sans doute, puis qu’au dix-neuvième avoir des espérances, c’était supputer un héritage. Espoir, espérance, laissons de côté celui du gain, jeu à somme nulle.
L’espoir on peut plus facilement le cheviller au corps. L’espérance, il m’est plus facile d’en dire ce qu’elle n’est pas, rappeler qu’elle n’est pas où on la cherche.
L’espoir qui nous parle à tous, c’est quand je travaille, quand je combats, parfois quand je nage à contre-courant, quand je vois naitre et grandir. C’est quand je relève, quand je restaure (pourquoi pas ? ) et quand je plante. Quand je sens que ça ne s’arrêtera pas avec moi. Tout ça c’est lent, ça germine plus que ça fulmine, c’est opiniâtre ou détendu, c’est ouvert ou c’est défendu, c’est plus ou moins harmonieux, d’une beauté quelquefois convulsive,
mais ça n’a rien à voir avec un choc.
Et donc l’espérance ? Est-ce l’accélération de l’espoir ? La descente dans sa profondeur ? Une autre de ses dérivées? Un passage à la limite ? Une quintessence de l’optimisme vital ?
Ou bien quelque chose d’un tout autre ordre ?
Sur le mont Horeb, sécheresse, désolation, le prophète Elie, arrive enfin, vaincu et désespéré. Il attend Celui qui ici le convoque. Passe un vent violent qui déchire montagne et rochers. Passe un tremblement de terre. Passe un terrifiant incendie. Mais l’Eternel ne réside dans aucun de ces « chocs » puissants.
Survient alors un murmure, doux et léger … (d’après le premier livre des Rois, chapitre 19)