Vincent Wahl - Écrits

Nuit du 30 juin  : Metz-Borny, la médiathèque en cendres.

45000 policiers dans les rues de France, aucun pour protéger l’accès à la culture des enfants du quartier défavorisé de Borny?

J’écoute les informations de 7 heures sur France Culture. Des affrontements, des destructions dans plusieurs villes. On ne parle pas de Metz. Hier, soir, on m’avait parlé de l’attaque de la Boite à Musique ou BAM, la salle de concert à programmation de musiques actuelles située dans le quartier de Borny, le quartier populaire emblématique de Metz. Je pense aussitôt à la médiathèque Jean-Macé, une des plus belles de Metz, située dans ce quartier sensible. Je sors pour faire le marché et je croise Etienne L., la mine longue comme ça : il m’apprend que Jean Macé  a flambé cette nuit. Il n’en resterait rien. Colère, deuil. J’en parle avec plusieurs paysans ou commerçants du marché. On partage bien sûr : dramatique qu’un tel équipement, situé où il est, soit parti en fumée. Je cherche des détails dans le Républicain Lorrain, qui ne parle que des terrasses de café préventivement déménagées. Il faudra attendre l’édition du Dimanche matin pour les faits précis. Plus tard, je croise Jacques, libraire à la retraite, à qui j’apprends la nouvelle. Il y allait régulièrement, me dit-il ; pourtant il habite juste à côté de la médiathèque Verlaine, en bordure du Centre Ville. Mais il l’aimait particulièrement, Jean Macé. Tu sais pourquoi, me dit-il? Parce que le mercredi les enfants du quartier venaient y faire leur devoirs, et j’aime cette ambiance.  

Automutilation, me dit-il encore. J’avais sinon le mot, du moins ce type de déploration à la bouche, en échangeant les impressions au marché. C’est à cela que fait très explicitement référence le magnifique poème de Victor Hugo, A qui la faute? , extrait de « L’année terrible », malheureusement actualisé, qu’ Etienne m’a envoyé par la suite. Mais là, je vois les choses autrement. Combien étaient-ils les incendiaires ? Moins d’une dizaine ? Venaient ils de ce quartier ou d’ailleurs ? Et pourquoi pas des provocateurs ? En tous cas, pas plus qu’à Sainte Soline il ne faut confondre les désobéissants civils non-violents et les black blocks, il ne faut confondre, même s’il était avéré qu’ils sont du quartier, quelques jeunes forcenés et toute une population. Qui envoyait ses enfants faire ses devoirs. Dont les jeunes filles, voilées ou pas, avaient ici un accès privilégié à la culture, grâce à une équipe de bibliothécaires réputés pour leur travail de médiation, etc… Je verrai le Répu demain. Mais on a le droit de poser la question dès maintenant :  Le fonctionnaire de police « banalisé » qui voulait que je le « laisse faire son boulot »… comment lui et ses collègues l’ont-ils donc fait ? La BAM attaquée, l’assaut de la médiathèque paraissait hautement prévisible….

Un policier tue un jeune, quelle tragédie ! Mais après cela, la logique de la punition collective se met en route… et c’est la population, notamment la moins favorisée, qui se retrouve gravement pénalisée. Vous avez dit stratégie du choc ?